IL FAUT, IL FAUT, ROSE IL FAUDRA

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«Je me demande pourquoi la vérité n’advient toujours que par les histoires mensongères.»

CREDITS

IDÉATION Sylvie Teste et toute l’équipe de création
TEXTE Extraits du roman Il faudra que je demande à Rose, de Marie-Line Laplante paru aux Éditions Les Herbes Rouges (2015)
SAISON DE CRÉATION 2016 – 2017
Première version in Fantaisie au soleil couchant/Les Escales Improbables de Montréal sep. 2016
GENRE Performance transdisciplinaire paroles, son, musique et images
PUBLIC Tout public
DURÉE 45mn

AVEC

VOIX Denis Lavalou
CRÉATION SONORE Alexis O’Hara
CLARINETTE Richard Simas
IMAGES LIVE Manon De Pauw

MONTAGE TEXTE Denis Lavalou
PRODUCTION Les Escales Improbables de Montréal avec la collaboration de l’Espace Lafontaine
PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ Théâtre Complice

 « Nous sommes des animaux malades, nous sommes dans un pot d’hôpital, nous sommes hospitalisés considérant notre très faible constitution en regard de la cruauté naturelle de la nature. Nous avons été atteints d’un frisson glacial, il paraît, au tout début de l’univers, à notre naissance, quand notre tour fut venu, nous vîmes, et plusieurs d’entre nous s’évanouirent à la vue du premier ciel sur la terre, nous vîmes toute la cruauté naturelle de la nature et alors on nous mit dans un pot de convalescence. Nous fûmes les seuls animaux sur terre qui ne purent supporter la vérité. Notre naissance fut un fiasco, une catastrophe naturelle. Une des premières. »

Il s’agira ni plus ni moins de revisiter sur un mode ludique la création du monde et le début de tous nos maux/mots à travers une performance free jazz, free voix, free images, sur la base du roman philosophicomique de Marie-Line Laplante «Il faudra que je demande à Rose».

PRÉSENTATION

«Je me demande pourquoi la vérité n’advient toujours que par les histoires mensongères.»

Il faut, il faut, Rose, il faudra faisait initialement partie d’une suite déambulatoire de sept événements performatifs – sons, images, musiques, projections, mots et danse – réunis sous le titre Fantaisie au soleil couchant et prenant pour base le roman de Marie-Line Laplante Il faudra que je demande à Rose. Au centre de la soirée, spectateurs et spectatrices partageaient un repas durant lequel certain-e-s d’entre eux, suite à un tirage au sort, pouvait commander sa propre fable aux «réservoirs à fables», les auteurs québécois Simon Boulerice et Catherine Leroux. L’idée était d’occuper, le temps de deux représentations exceptionnelles, salles, coursives et terrasse de l’Espace Lafontaine, le grand pavillon qui domine le lac du parc du même nom, au cœur de Montréal.

En conservant le même contenu littéraire, mais agrandi et revisité, Denis Lavalou, interprète, Alexis O’Hara, créatrice sonore, Richard Simas, clarinettiste et Manon De Pauw, créatrice visuelle se livrent à un travail d’improvisation pour voix, musique et images qui concourt à recréer l’univers philosophique, sensuel et métaphysique du roman selon la question essentielle qu’il soulève : de quoi souffrons-nous exactement ?

«Tout commença par une stupide histoire de hotte à nettoyer.»

Le roman raconte pourquoi Philippe, amoureux de Rose et domestique de longue date de la grande famille Bernini, décide, un soir, de tout quitter et d’aller se jeter dans le soleil couchant au bout de la rue.

Extraits du roman

Aussi, dans cet instant où je vais me jeter dans le soleil, je vois à quel point j’ai besoin de la fable, c’est la première chose qui me frappe, que le jour où je voulus parler, je dus utiliser la fable, dès le berceau, et ce, de façon naturelle, aussi je déteste la fable comme on déteste sa langue maternelle et on s’y attache tout à la fois, liée à elle par un pacte, le pacte du diable, cette langue qui n’a aucun souci de vérité, mais qui organise notre petite société, la fable qui atteint chaque individu, s’assure de bien l’encadrer afin qu’il ne devienne jamais une monstruosité avec ses lois et sa langue personnelle. La langue maternelle est du côté du troupeau, de la foule, du délire, du chef de tribu, c’est le ventre de tous et les fables, ces dialectes maternels, nous portent, nous ordonnent, elles sont nos lois et nos odeurs, nos rêveries.

Elles forment un pot, un pot maternel comme ceux qu’on utilise pour recueillir les insectes, une sorte de pot où toute l’humanité put déverser pêle-mêle ses connaissances, sa sagesse, ses sensations, sa sexualité, son argent, sa vitalité aussi, tout ça dans le pot à fables, tous dans la fable d’où l’on peut voir les étoiles au-dessus de nos pauvres têtes, tel un asile à ciel ouvert, ouvert à jamais, à jamais enfermé dans la fable, tel un pot de rancoeur et de solitude, notre pot de bienséance, là où se tiennent, plus exactement se racontent nos lois, nos lois bien plus folles que nous.

Aussi, celui qui aurait l’idée, une mauvaise idée somme toute, la méchante idée de s’écrier naïvement, parce qu’il faut être naïf pour s’écrier comme ça, sans avertissement, le nez en l’air, s’écrier : Mais ! Nous habitons une fable ! celui-là serait certainement lapidé. Je ne vois pas d’autre issue à son imprudence, rien d’autre ne me vient à l’esprit que cette conséquence évidente et presque, pour ainsi dire, instantanée, de son imprudence à montrer les parois, ce qui aurait pour langue maternelle petits animaux de la fable lapidation immédiate conséquence de nous faire lever les yeux suivant tout naturellement les parois jusqu’à l’ouverture tout en haut avec son ciel brutal d’une extrême cruauté.

Or, nous sommes des animaux malades, nous sommes dans un pot d’hôpital, nous sommes hospitalisés considérant notre très faible constitution en regard de la cruauté naturelle de la nature, nous avons été atteints d’un frisson glacial, il paraît, au tout début de l’univers, à notre naissance, quand notre tour fut venu, nous vîmes, et plusieurs d’entre nous s’évanouirent à la vue du premier ciel sur la terre, nous vîmes toute la cruauté naturelle de la nature et alors on nous mit dans un pot de convalescence. Nous fûmes les seuls animaux sur terre qui ne purent supporter la vérité. Notre naissance fut un fiasco, une catastrophe naturelle. Une des premières. La catastrophe tint au fait que pour la première fois la nature ne put avorter. La nature n’en était pourtant pas à ses premières bêtises, elle avait déjà mis au monde des bestioles mort-nées, des avatars qu’elle expulsait dans son néant, elle finissait toujours par venir à bout des mauvaises expériences, mais pour la première fois, par un fait inexplicable, mais entièrement naturel, elle ne put avorter, alors elle nous mit dans un pot, un pot à convalescence, à l’hôpital des petits animaux, car nous fûmes assez petits pour être mis dans un pot que nous soupçonnâmes, dès le départ, de n’occuper qu’une infime portion de l’univers.

Mais si nous savons tout ce que je raconte, nous l’oublions par je ne sais quel mystère, nous oublions au fur et à mesure que nous nous rappelons cette histoire de pot, nous voyons bien que nous occupons une fable, mais nous ne croyons pas ce que nous voyons, nous ne pouvons croire à quelque chose d’aussi simple et évident, les conséquences seraient désastreuses, nous risquerions de nous répandre dans toute la nature, nous risquerions de contaminer toutes les autres bestioles de l’univers et juste à y penser un grand frisson parcourt la nature. Aussi la nature nous tient fermement dans la fable en sachant que jamais nous ne croirions une pareille évidence, et que sûrement les fables ne sont pas des fables, et le pot semble si vrai, un pot véridique que disent certains d’entre nous. Ses parois, certes, nous les voyons, mais ce ne peuvent être de simples parois tant elles servent bien de table à lois et à dessins. Là figurent nos ancêtres et derrière nos ancêtres encore des ancêtres à donner le vertige aux petits animaux que nous sommes, une multitude d’ancêtres plus terribles les uns que les autres et chacun de nous doit réciter les noms de ses ancêtres et c’est certainement l’une des belles activités des homo sapiens, ils récitent les noms, comme on récite une fable, ils répètent qui je suis d’où je viens et pourquoi je vais. C’est un hôpital fantastique, le premier hôpital cosmique et c’est nous les bienheureux qui y avons été déposés, car nous étions trop faibles. Qui sait si la nature n’a pas été émue, prise dans ce nouvel état, émue à notre vue et alors elle n’arrivait plus à avorter de nous comme elle aurait dû le faire et elle aurait dû le faire.

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C’est seulement quand nous serons morts que nous pourrons nous étaler au grand complet pour voir de quoi était fait cet animal à fables. C’est seulement quand nous serons tous morts qu’il sera alors possible de le voir en entier puisqu’enfin plus rien ne pourra s’ajouter à l’histoire de cette humanité. Quand toute l’humanité sera morte, quand nous serons arrivés au bout de notre histoire avec le début et sa fin, quand nous nous serons complétés pour ainsi dire, nous pourrons enfin voir de quoi était fait cet animal, mais voilà bien le non-sens de tout cela, aucun animal à fables ne pourra raconter l’histoire finale des animaux à fables. Nous sommes pris à l’intérieur du temps, nous nous additionnons au fur et à mesure de nos inventions et de nos drames, au fur et à mesure du déroulement de notre histoire.

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Au commencement de notre existence de petits animaux de la fable sur la terre qui êtes aux cieux, à l’époque où nous habitions encore des maisons rondes comme des nids, semblables à des oeufs avec des petits pignons pour nos têtes un peu hautes et dans un effort pour appliquer la loi : Tu ne peux être un animal, il fallait voir, ma Rose, l’affairement des domestiques, déjà nombreux à cette époque-là, plutôt nombreux à cette époque-là, les voir s’affairer autour des maisons rondes et tu peux le dire à madame Bernini, ma Rose, tu peux dire à madame Bernini de te dire que déjà nous nous appliquions à construire des maisons à angles droits pour mieux les étager dans le ciel usé jusqu’à la corde pour ainsi dire, et notre effort pour ne pas être des animaux fut tout simplement formidable, l’énergie qu’on déploya fit apparaître le grand phénomène de la multiplication des objets qui un jour d’ailleurs, ma Rose, je te le dis à toi, mais ne le dis pas à madame Bernini, c’est trop fort pour elle, un jour ma Rose, je ne pourrais dire quand mais un jour tous ces objets prendront leur revanche, ce sera une révolte sans merci comme ces révoltes populaires, mais voilà c’est une autre fable où nous aurons presque disparu, c’est-à-dire, comprends ma Rose, nous serons au bord de notre fable juste avant la chute finale, mais au début de nous-mêmes nous étions encore jeunes d’existence aussi ce fut le grand phénomène de multiplication des objets, où guidés par la loi de ne pas être des animaux, nous inventâmes entre autre l’échelle, la fusée, les gratte-ciel, les clochers, les ondes et tout ce genre de trucs, car ne pas être des animaux c’était être plus haut. […] il y eut déjà cet ordre ancestral, bien avant l’ordre de nettoyer la hotte, il y eut l’ordre de ne pas être des animaux mais d’être au plus près des dieux qui au tout début étaient essentiellement les pierres qui brillent dans le ciel, c’étaient là nos dieux par leur qualité d’être les plus hauts. Aussi nous voulions être hauts toujours plus hauts. Ce fut notre premier exode hors de nous-mêmes.

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Maîtres et domestiques s’affairaient à être les plus éloignés possible des autres animaux pendant que les dieux assis sur chacune des pierres brûlantes surveillaient avec inquiétude notre manipulation des échelles, car dans notre folie, nous risquions de nous échapper du pot à fables à notre propre insu, aussi la nature plaça sur chaque pierre brûlante ces sortes de gardiens d’asile, pour ainsi dire, ayant comme mandat de nous laisser jouer en paix, mais de ne jamais nous laisser sortir de la fable. La nature prit soin de donner une explication aux gardiens qui pourtant n’en avaient demandé aucune : Ils ne pourraient survivre. Et voilà que pour obéir à la loi : Tu ne peux être un animal, nous nous donnâmes des modèles, des idéaux faits de dieux et autres objets brillants et pointus. De voir assis sur chaque pierre céleste un dieu à fables nous rendit un peu plus supportable le ciel brutal et noir. Certains les appelèrent les maîtres, les maîtres des lois, d’autres les gardiens des lois et chaque gardien était assis sur une pierre où était gravée une loi, chacun gardait une loi comme les lois : Tu ne peux être un animal ou Tu dois respecter la loi.

Le sol est jonché de ces pierres écrites dont quelques-unes ont roulé dans le milieu du chemin, et un jour les petits animaux de la fable joueront avec ces pierres.

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Nous scintillons, tous dans le chemin, nous scintillons, à chacun son intensité selon son avoir, nous trottinons chemin faisant, ressemblant à des petites bêtes phosphorescentes trottinant chemin faisant dans le chemin qui d’un côté donne sur la porte des domestiques et de l’autre sur le soleil couchant, là où je vais de ce pas me jeter, la tête la première sans doute, en fabulant, ma Rose, puisqu’il nous faut fabuler.

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Au début nous habitâmes des cavernes, c’étaient pour ainsi dire des incubateurs soigneusement placés dans l’hôpital des petits animaux à fables, nous nous mîmes nous-mêmes dans des incubateurs, on pouvait déjà voir sur les parois des cavernes les parois de nos berceaux pour ainsi dire, des girafes au long cou d’où l’on pouvait apercevoir le lion et qu’à la seule vue de ses dents vous en aviez le souffle, la langue et le regard coupés, et les chevaux en furie, les serpents à morsure et les insectes pénétrants, ah oui, nous avions bien vu ce qui nous attendait à la sortie, et c’est remplis de peur que nous sortîmes, à la queue leu leu, morts de frayeur.

Il faut dire que nous nous faisions déjà peur entre nous, dans la caverne, à commencer par la mère penchée sur notre berceau primitif qui ne répondrait peut-être pas à la première angoisse du j’ai faim et le nouveau-né de fixer les seins lumineux comme deux êtres de faveur, pris dans l’angoisse totale de la faim, car d’abord il a faim et cette angoisse le remplit de peur. Et penchée sur son berceau la mère le regarde, oh, un tout petit regard à peine perceptible, mais le naissant perçoit parfaitement l’oeil froid et gélatineux penché sur lui juste derrière le regard protecteur, d’abord la mère, l’épreuve de la mère qui l’envahit de peur, alors il la supplie de le prendre dans ses bras afin qu’elle s’attendrisse et qu’elle le garde dans sa chair tiède, puis arrivent les autres, les autres qui tournent autour du nouveau-né en le reniflant et c’est rempli de peur qu’il grandit et parcourt le monde, se jetant au-devant de l’autre comme il l’avait fait dans le premier geste vers la mère, il se jette dans le sexe de l’autre pour le supplier de ne pas le détruire et c’est ainsi que l’autre lui ordonne de lui lécher la joue, d’abord la joue puis la bouche, ensuite la bouche et de se mettre à genoux car il doit d’abord l’éduquer à l’obéissance car l’autre aussi a peur de l’autre et doit s’assurer que l’autre ne va pas en profiter pour mordre sa joue ou son sexe, aussi il l’éduque à l’obéissance, il pratique le commandement dans le coeur du sexe car c’est bien de là que l’on commande c’est bien de là que je reçois l’ordre de madame Bernini de bien vouloir nettoyer la hotte, c’est bien de ce lieu du sexe, notre deuxième habitat après la bouche de lait. Et pour tout dire la bouche et le sexe ne sont pas rassurants. Aussi j’habite des lieux inquiétants.

EXTRAITS
REVUE DE PRESSE

Au sujet des Escales improbables de Montréal

Depuis 2004, l’événement international pluridisciplinaire Les Escales Improbables de Montréal (EIM) propose à un public de plus en plus nombreux un voyage insolite, traversant les frontières géographiques et artistiques le long du fleuve de l’imaginaire.

 

CALENDRIER

Fantaisie au soleil couchant a été créé à Montréal et présenté lors de deux soirées déambulatoires exceptionnelle dans le Pavillon du Parc Lafontaine à Montréal les 17 et 18 septembre 2016.

Il faut, il faut, Rose il faudra disponible en diffusion

  • automne 2018
  • année 2020
GIORDANO